[Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

L'ANGELUS
Un peu de drame intime dans un monde de brutes dans l'entourage paysan, souterrain puis spectral des ruines de Paris.
Jeu : Les Cordes Sensibles, un jeu de rôle d'histoires dramatiques par Frédéric Sintes. (version 01.5, inédite à ce jour. Voir la version 1 (assez proche) ici.
Joué le 17/10/15 au Festival de l'Oeil Glauque à Rennes
Personnages : Le Vieux Ben, Kochi, Randavarkus, Eliane

crédit : "L'Angelus" de Millet (domaine public)
L'histoire :
Autour de l'ancienne ville de Paris, il y a une zone de forêt peu dense. Les paysans vivent dans les clairière et cultivent céréales et tubercules, qu'ils troquent aux habitants des souterrains de Paris en échange d'équipement. Au-delà, c'est la forêt profonde, dangereuse. On ne va pas à la Surface de Paris, car elle est réputée être hantée par des fantômes qu'on appelle les Fomores, on prétend aussi qu'il y aurait un portail vers une autre dimension et aussi qu'il y neige des fragments de papier qui sont reliés à la vie intime de celui qui les voit, et qu'on peut être victime de l'obsession de les rassembler. Dans les souterrains de Paris, les gens crèvent de faim, surtout les pauvres amassés dans les étages supérieur, les galeries du métro, les catacombes, les égouts. Ils sont aussi martyrisés par la Caste des Nihilistes, des psychopathes qui pensent que l'humanité doit expier et qui prennent ça comme prétexte pour commettre des meurtres. Les gens des souterrains vivent aussi dans la peur de la Surface, et quand quelqu'un dérange ou commet un crime, la coutume veut qu'on l'exile à la Surface. Et plus bas, dans les tombeaux souterrains, il y a les nobles, qui gouvernent la ville, bien à l'abri.
Dans les clairières, il y a une communauté de paysans, une vingtaine de familles qui grattent la terre pour subsister. Parmi eux, le Vieux Ben, l'ingénieur qui entretient les machines agricoles. Il se fait vieux et le matériel qui arrive de Métro est de plus en plus de mauvaise qualité. Il craint de devenir inutile. Il y a un autre "savant" dans la communauté, mais ils ne communiquent pas ensemble : c'est Randavarkus, l'érudit. Il dispose de savoirs scientifiques qu'il a exhumés dans les livres, mais il ne sait pas comment les mettre en application au service de la communauté. Il y a quelqu'un qui l'admire, même si Randavarkus ne le voit pas. C'est Kochi, un jeune paysan. Kochi est en train de se transformer, victime de l'égrégore, sans doute. Il devient hypersensible. Chacun de ses sentiments est démultiplié, et cela lui rend la vie difficile au sein de la communauté. Quelqu'un lui a dit que migrer vers la Surface serait la solution, que là-bas il s'épanouirait. La personne qui dit autant bien de la Surface (et c'est bien la seule), c'est Eliane, une jeune paysanne. Elle est lassée de la vie sans merveille de la communauté, et pense qu'à la Surface, on peut parler aux fantômes de son passé et que ceux-ci pourront nous apaiser. Cette histoire de fantôme est un sujet de clash avec le Vieux Ben, qui a vraiment peur des fantômes.
Eliane rêve. Elle marche à la Surface. Elle danse sous les fragments de papier qui tombent comme des flocons. Elle aperçoit une silhouette, elle la suite à travers les ruines de Paris couvertes de végétation. Elle la poursuit dans les ruelles de Montmartre. Elle arrive au pied du Sacré-Coeur, dont la coupole crevée laisse passer les arbres et les oiseaux. Elle rattrape enfin la personne, elle lui aggrippe l'épaule. La personne se retourne. C'est son père. Le fantôme de son père. Il ne dit rien et les expressions de son visage sont indéchiffrables. Il y a un bruit de fond. Comme un tremblement de terre.
Le Vieux Ben essaye de réparer son tracteur. C'est le premier tracteur qu'il bricolé, il a une grande valeur sentimentale, il lui a même donné un petit nom : Robert. Ben peste parce qu'il n'a plus de bonnes pièces de rechange sous la main, les dernières que les paysans lui ont ramenées de Métro sont rouillées, trop graissées ou défectueuses. P'tit Marcel, un orphelin, lui tourne autour, il insiste pour l'aider ou pour aller lui chercher des pièces, il lui propose même de retourner à Métro pour qu'il choisisse lui-même les pièces, mais le Vieux Ben l'éconduit. P'tit Marcel s'en va en maugréant. Il rêve de devenir l'apprenti du Vieux Ben mais il ne sait pas comment lui dire. La mort dans l'âme, le Vieux Ben va solliciter l'aide de l'érudit Randavarkus. Randavarkus daigne lui donner des indications techniques, mais il ne retourne pas voir le tracteur avec lui. Le vieux Ben doit faire avec des conseils oraux, sans avis basé sur l'observation de la machine. Il tremble, il fait tomber ses outils. Son cour lui fait mal. Il se dit qu'il n'en a plus longtemps, et il n'est même pas cabale de réparer cette foutue bourrique de Robert. C'est comme si Robert était fatigué de vivre. Le Vieux Ben est fatigué, lui aussi.
Depuis quelques temps, le système d'irrigation est défaillant. La rivière qui l'alimente doit être bouchée ou détournée. Randavarkus va voir le chef du village, Bastien. Il a fait des plans et leur demande de faire des travaux. Bastien lui demande d'aller sur place. Mais Randavarkus décline. Il dit qu'il n'est pas un homme de terrain et ne sait pas travailler de ses mains : il veut juste que les paysans fassent comme il dit (et de partir dans de laborieuses explications). Louis, le fils du chef, un rude gaillard, rougeaud, les mains calleuses, traite Randavarkus de poule mouillée. Il dit qu'il ne veut pas aller à la rivière car elle est proche de la forêt profonde, qu'il y a des fantômes. Randavarkus va chercher de l'aide, il en trouve chez Kochi et chez Eliane, qui pense que les fantômes ne sont pas malfaisants, qu'ils sont juste des ancêtres en peine qui ont des messages à nous transmettre, mais comme il refuse toujours d'aller sur le terrain, le chef refuse d'entamer des travaux sous sa supervision.
Le chef Bastien demande au jeune Kochi d'aller ramasser des pommes de terre, mais presque aussitôt après il lui fait comprendre qu'il ne compte pas sur sa collaboration, que Kochi est devenu trop sensible pour être bon à rien. Piqué au vif (évidemment, d'une façon excessive), Kochi insiste au contraire pour se rendre utile. Il rejoint les femmes paysannes qui ramassent les pommes de terre. Il fait chaud, ce sont les derniers jours d'été. Il voit Eliane penchée à ramasser les tubercules, les joues roses, de la sueur sur sa peau. Kochi est pris dans un nouvel étage de son ascenseur émotionnel, cette fois-ci il éprouve, sinon de l'amour, au moins une curiosité ardente pour Eliane. Elle en profite pour lui dire qu'elle veut partir demain à la Surface, qu'il devrait l'accompagner, parce qu'elle a peur d'y aller seule, et parce qu'il pourra lui être utile sur place, grâce à son "don" qui devrait attirer les fantômes. Pour ce qui est de parler aux fantômes, Eliane en fera son affaire. Kochi proteste, mais Eliane lui signifie que s'il refuse, elle ira toute seule, à ses risques et périls, et finalement il accepte de participer à l'expédition. Eliane parvient aussi à convaincre le Vieux Ben et Randavarkus de se joindre à eux : on fera une escale à Metro, où tous deux pourront voir des choses qui les instruiront, et puis à la Surface il y a des carcasses de véhicules que le Vieux Ben pourra désosser et des phénomènes paranormaux que Randavarkus pourra étudier. Randavarkus se moque de la crédulité d'Eliane. Il ne croît pas aux fantômes, mais accéder aux savoirs de Métro l'intéresse.
Le lendemain soir, au crépuscule. Hommes et femmes sont dans les champs à récolter les épis de blé. Au loin, un tocsin résonne. C'est l'Angelus. Hommes et femmes s'arrêtent pour prier. L'une d'elle est la mère d'Eliane. Elle prie pour le salut de son mari, le père d'Eliane qui est disparu. Eliane lui demande de les accompagner à la Surface, elle pourra revoir son père et lui parler. Mais la mère refuse, elle trouve que c'est trop risqué et doute des hypothèses d'Eliane. P'tit Marcel vient voir la mère d'Eliane et lui demande si elle lui a fait une tarte pour ce soir, comme d'habitude. Depuis qu'il est orphelin, P'tit Marcel est sous la garde de la mère d'Eliane, c'est devenu un fils par substitution. Elle ne veut pas l'abandonner pour cette aventure périlleuse. Eliane convainc P'tit Marcel de se joindre à l'expédition pour accompagner le Vieux Ben, et la mère d'Eliane rejoint alors l'équipe à contrecœur.
L'expédition est arrivée dans la ville souterraine de Paris. Ils sont dans le Dernier Metro, c'est-à-dire la seule rame encore en activité. Ils sont chargés de pomme de terre qu'ils ont prévu d'échanger contre du matériel. Serrés contre eux dans la rame surchargée, les crève-la-faim de la ville les regardent avec envie. Un type de la mafia fait la sécurité. Eliane dit au Vieux Ben et Randavarkus qu'ils devraient aller voir le conducteur de la rame. Il n'y a pas de porte close entre le wagon et la tête de rame, alors ils peuvent en effet le voir. Le conducteur, c'est Raymond Lagagne, un gars dans une blouse bleue pleine de cambouis qui fume une éternelle vieille clope. Il leur explique comment il a retapé la rame, du wagon jusqu'aux circuits du tunnels, leur montre son tableau de bord rafistolé et les baroques amas de fils électriques dans la cabine. Randavarkus est fasciné. Il trouve enfin quelqu'un qui parle le même langage technique que lui. Raymond leur explique qu'il est tout seul, il aurait besoin de monde pour restaurer l'éclairage dans les stations, faire des relais, peut-être ouvrir une deuxième rame. Randavarkus et le Vieux Ben acceptent de travailler pour lui. Ils se sentent tous les deux plus utiles ici qu'au village. P'tit Marcel est en revanche très attristé que le Vieux Ben abandonne ainsi le tracteur Robert et tous les villageois à leur sort.
L'expédition monte ensuite à la Surface, comme elle l'a promis à Eliane. Ils montent une échelle dans un conduit d'égout, et arrivent à la surface. Il n'y a aucun son sinon celui du vent. Kochi ramasse des bouts de papier, ce qu'il y a écrit dessus le bouleverse. Eliane est radieuse, elle danse sous les flocons de papier, elle montre à P'tit Marcel comment en attraper avec sa langue.
Elle ramasse un des papiers et le lit :
« Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne »
Le Vieux Ben voit un pont de métal rouillé qui enjambe la Seine, il est couvert de carcasses de voitures. Il s'y rend, mais il fait face à la déception ; rien dans ces épaves ne semble encore utilisable.
Kochi sent que des fantômes l'observent et utilisent son hypersensibilité pour prendre son contrôle. Il s'y abandonne, et sous la dictée des fantômes, il entraîne Eliane pour la conduire jusqu'à eux. Sous le charme, elle se laisse faire, et tous deux courent si vite qu'ils abandonnent le reste du groupe.
Randavarkus voit bien qu'il n'y a rien d'intéressant à la Surface, sinon des contes à dormir debout. Il redescend travailler avec Raymond sur le métro. Mais déjà il rêve d'autre chose : approcher les nobles et leurs savoirs...
Le Vieux Ben l'a rejoint. Mais assez vite, son travail sur le métro se fait sans entrain. Il regrette d'avoir abandonné le village.
Kochi a entraîné Eliane, main dans la main, jusqu'aux ruines de Notre-Dame. Ils sont entrés dans la cathédrale. Vitraux brisés, statue et colonnes à bas, végétation, toit éventré devenu un puits de lumière, vol d'oiseaux. L'endroit avait vraiment quelque chose de sacré.
Ils ont vu le père d'Eliane dans l'allée.
Eliane s'est approchée.
Elle allait enfin pouvoir lui parler.
Et puis il y a eu ce bruit de fond.
Comme un tremblement de terre.
Et ce bruit venait de Kochi.
Feuilles de personnage :
Le Vieux Ben, ingénieur dans la communauté
Problème : actuel 0, seuil 3 : Peur de devenir inutile
Obstacle interne : Je deviens de plus en plus maladroit avec la vieillesse
Obstacle externe : les matériaux se font rares et dysfonctionnent
Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Honte (non exprimé), Tristesse (exprimé), Gaité (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je vais bientôt mourir 3
Croyance externe : Je suis terrifié par les fantômes 3
Lien : J'ai du mépris pour Randavarkus, il ne se mouille pas 3
Lien : différend avec Eliane au sujet des fantômes 3
Lien : Robert le Tracteur a une grande valeur sentimentale 3
Lien : Regrets vis-à-vis de l'abandon du village 3
Kochi, paysan
Problème : actuel 2, seuil 3 : Sous l'égrégore ou l'emprise, je suis atteint d'hypersensibilité extrême (un seul sentiment à la fois)
Obstacle interne : mon problème est pernicieux ; j'aime ça.
Obstacle externe : Je rencontre l'incompréhension ou la peur
Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Amour/curiosité (exprimé), Doute (non exprimé), Exaltation (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je vais dépasser une limite 3
Croyance interne : Personne ne peut accepter mon problème 3 -> Seule Eliane peut accepter mon problème 3
Croyance externe : J'ai un but à la Surface 1
Lien : admiration envers Randavarkus 3
Lien : influence d'Eliane 3
Lien : Au moment où Eliane voit son père approcher et entend le bruit, je me rend compte que je provoque le bruit 3
Randavarkus, érudit
Problème : actuel 2, seuil 3 : Comment transmettre mes connaissances pour le bien de la communauté ?
Obstacle interne : Pensée trop théorique
Obstacle externe : Les autres ne sont pas réceptifs à mes connaissances
Sentiments ; actuel 4, seuil 9, Cartes 3
Colère (exprimé), Déception (non exprimé), Dépit (exprimé), Joie (non exprimé), Motivation (non exprimé)
Traits
Croyance interne : Mes connaissances sont utiles ! 4, puis 3
Croyance interne : Peur du terrain 1 -> J'apprendrai des choses si je vais sur le terrain 2
Croyance externe : Mes connaissances ne peuvent pas être comprises par n'importe qui 3
Lien : Pas de reconnaissance pour le Vieux Ben 3
Lien : admiré par Kochi 3
Lien : Reconnaissance par Raymond 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : j'irais bien à la rencontre des nobles 3
Éliane, paysanne
Problème : actuel 1, seuil 3 : Je suis lassée de la vie sans merveille de la communauté
Obstacle interne : J'ai peur d'aller à la Surface toute seule
Obstacle externe : Personne ne veut m'accompagner
Sentiments ; actuel 1, seuil 9, Cartes 2
Peur (exprimé), Espoir (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je suis née pour parler aux fantômes 3
Croyance externe : les paysans sont englués dans une vie misérable et ne veulent pas en sortir 3
Lien : La Surface est la solution pour Kochi 3
Lien : clash avec le Vieux Ben au sujet des fantômes 3
Lien : je recherche mon père disparu 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : je ne sais pas ce que va dire mon père 3
Décor et figurants :
Décor découpé en quatre zones : les clairières des paysans, la forêt profonde, la Surface, Métro.
Robert le Tracteur (Je suis fatigué de vivre 3)
P'tit Marcel (je veux prendre la suite de Vieux Ben 3)
Bastien le Chef (ennuyé par la situation 3)
Louis le fils du Chef (pense que Randavacus est un baltringue 3)
Le Barman
Mère d'Eliane 3
Raymond Lagagne
Commentaires sur le jeu :
J'ai défini le cadre avec les joueurs, j'avais l'Atlas de Millevaux comme aide de jeu. On s'est d'abord fixé sur la France pour être plus à l'aise avec le contexte, j'ai alors énuméré les lieux de France de l'Atlas, et les joueurs ont opté pour Métro. J'ai résumé les forces en présence, et nous avons opté pour une communauté de paysans.
Contrat social : on est parti sur l'idée que le sexe et la violence étaient possibles, mais ne seraient pas décrits en détail.
Mise en scène à MJ tournant lors des scènes de développement : Les joueurs avaient très peu d'expérience en jeu de rôle, et aucun n'avait jamais maîtrisé. Ils se sont néanmoins prêtés à l'exercice de mise en scène. J'ai juste cadré leur mise en scène de plusieurs façons : au début de la scène, je demandais au joueur Protagoniste s'il avait une envie pour la scène, je redonnais les obstacles internes et externes du Protagonistes au joueur Metteur en Scène pour qu'il les potasse, et si le Metteur en Scène peinait à introduire une adversité, je le faisais moi-même par le biais de mon personnage ou de figurants.
On a joué les deux premiers conflits cartes visibles pour mieux expliquer, et après ça a roulé cartes cachées sans problème.
Sauf incompréhension ou oubli de ma part, je pense avoir joué les règles à la lettre. De mon côté, c'était totalement concluant. Ma mécanique préférée c'est la collecte et l'expression de sentiments, qui amène sur un jeu très empathique. J'avais beau ne pas connaître les joueurs, et eux ne pas avoir beaucoup d'expérience, on a vraiment joué sur l'émotion, donc à mes yeux la promesse du jeu est bien tenue. Je serais curieux de voir ce que ça donnerait entre des personnes qui se connaissent très bien, comme c'est conseillé dans les règles.
Le mix avec Millevaux a bien fonctionné, même si j'ai sans doute modéré l'aspect crade ou dangereux de l'univers, pour laisser de la place aux moments intimistes. Comme l'a dit Frédéric, il est aussi possible que jouer dans un univers fictionnel, de surcroît avec du fantastique, a mis les joueur.se.s plus à l'aise que si on avait joué dans notre univers contemporain avec des problématiques de type cancer, coming-out... Même si les problématiques du Vieux Ben, de Randavarkus, et dans une moindre mesure de Kochi, auraient pu s'appliquer dans un univers contemporain !
Je me suis fait un plaisir de mise en scène quand j'ai joué une scène de développement en Protagoniste (Eliane). Ce n'était pas moi le metteur en scène, mais j'ai juste décrit l'intro : une reproduction du tableau L'Angelus de Millet. C'était vraiment troublant de se dire, ça y est, on joue les personnages de ce tableau célèbre.
On n'a pas eu le temps de jouer jusqu'à une résolution de problème. Sur les cinq dernières minutes de jeu, j'ai demandé à chacun de faire une scène d'exposition (c'est à dire un monologue) où il racontait une fin en cliffhanger pour son personnage.
Retour des joueurs :
Joueur du Vieux Ben :
+ Super sympa
+ Le jeu à MJ tournant permet de contrôler l'histoire qu'on veut veut amener
+ Point faible : on ne peut pas faire progresser son problème pendant la scène d'un autre. [note de Thomas : alors que ça a pu arriver au Vieux Ben de faire des progrès pendant la scène d'un autre, mais mécaniquement il n'avait pas le droit de faire progresser son problème]
+ Quand on est MJ tout seul, peut-être qu'on peut s'essoufler, mais là on est quatre à avoir des idées.
+ C'est bien que le hasard soit maîtrisé.
+ Bien équilibré entre les actions et les sentiments
+ C'est bien qu'on ait le choix de sa personnalité.
+ Millevaux est un bon terreau pour inventer des histoires où les persos sont obligés de se disputer.
Joueur de Randavarkus :
+ C'est désarmant de jouer le MJ.
+ Si on l'habitude d'être MJ et qu'on se retrouve à être joueur, on est moins frustré avec ce type de jeu.
+ J'aime l'idée des scènes d'exposition.
+ C'est un roleplay un peu supérieur, on n'interprète pas un nain radin.
Joueur de Kochi :
+ Dans ce jeu, s'il y avait qu'un MJ, ce serait rigide, c'est mieux que chacun puisse apporter ses idées.
+ J'aime le fait qu'on est dans le personnage, dans ce qu'il ressent, on est pas dans résoudre une mission.
Un peu de drame intime dans un monde de brutes dans l'entourage paysan, souterrain puis spectral des ruines de Paris.
Jeu : Les Cordes Sensibles, un jeu de rôle d'histoires dramatiques par Frédéric Sintes. (version 01.5, inédite à ce jour. Voir la version 1 (assez proche) ici.
Joué le 17/10/15 au Festival de l'Oeil Glauque à Rennes
Personnages : Le Vieux Ben, Kochi, Randavarkus, Eliane

crédit : "L'Angelus" de Millet (domaine public)
L'histoire :
Autour de l'ancienne ville de Paris, il y a une zone de forêt peu dense. Les paysans vivent dans les clairière et cultivent céréales et tubercules, qu'ils troquent aux habitants des souterrains de Paris en échange d'équipement. Au-delà, c'est la forêt profonde, dangereuse. On ne va pas à la Surface de Paris, car elle est réputée être hantée par des fantômes qu'on appelle les Fomores, on prétend aussi qu'il y aurait un portail vers une autre dimension et aussi qu'il y neige des fragments de papier qui sont reliés à la vie intime de celui qui les voit, et qu'on peut être victime de l'obsession de les rassembler. Dans les souterrains de Paris, les gens crèvent de faim, surtout les pauvres amassés dans les étages supérieur, les galeries du métro, les catacombes, les égouts. Ils sont aussi martyrisés par la Caste des Nihilistes, des psychopathes qui pensent que l'humanité doit expier et qui prennent ça comme prétexte pour commettre des meurtres. Les gens des souterrains vivent aussi dans la peur de la Surface, et quand quelqu'un dérange ou commet un crime, la coutume veut qu'on l'exile à la Surface. Et plus bas, dans les tombeaux souterrains, il y a les nobles, qui gouvernent la ville, bien à l'abri.
Dans les clairières, il y a une communauté de paysans, une vingtaine de familles qui grattent la terre pour subsister. Parmi eux, le Vieux Ben, l'ingénieur qui entretient les machines agricoles. Il se fait vieux et le matériel qui arrive de Métro est de plus en plus de mauvaise qualité. Il craint de devenir inutile. Il y a un autre "savant" dans la communauté, mais ils ne communiquent pas ensemble : c'est Randavarkus, l'érudit. Il dispose de savoirs scientifiques qu'il a exhumés dans les livres, mais il ne sait pas comment les mettre en application au service de la communauté. Il y a quelqu'un qui l'admire, même si Randavarkus ne le voit pas. C'est Kochi, un jeune paysan. Kochi est en train de se transformer, victime de l'égrégore, sans doute. Il devient hypersensible. Chacun de ses sentiments est démultiplié, et cela lui rend la vie difficile au sein de la communauté. Quelqu'un lui a dit que migrer vers la Surface serait la solution, que là-bas il s'épanouirait. La personne qui dit autant bien de la Surface (et c'est bien la seule), c'est Eliane, une jeune paysanne. Elle est lassée de la vie sans merveille de la communauté, et pense qu'à la Surface, on peut parler aux fantômes de son passé et que ceux-ci pourront nous apaiser. Cette histoire de fantôme est un sujet de clash avec le Vieux Ben, qui a vraiment peur des fantômes.
Eliane rêve. Elle marche à la Surface. Elle danse sous les fragments de papier qui tombent comme des flocons. Elle aperçoit une silhouette, elle la suite à travers les ruines de Paris couvertes de végétation. Elle la poursuit dans les ruelles de Montmartre. Elle arrive au pied du Sacré-Coeur, dont la coupole crevée laisse passer les arbres et les oiseaux. Elle rattrape enfin la personne, elle lui aggrippe l'épaule. La personne se retourne. C'est son père. Le fantôme de son père. Il ne dit rien et les expressions de son visage sont indéchiffrables. Il y a un bruit de fond. Comme un tremblement de terre.
Le Vieux Ben essaye de réparer son tracteur. C'est le premier tracteur qu'il bricolé, il a une grande valeur sentimentale, il lui a même donné un petit nom : Robert. Ben peste parce qu'il n'a plus de bonnes pièces de rechange sous la main, les dernières que les paysans lui ont ramenées de Métro sont rouillées, trop graissées ou défectueuses. P'tit Marcel, un orphelin, lui tourne autour, il insiste pour l'aider ou pour aller lui chercher des pièces, il lui propose même de retourner à Métro pour qu'il choisisse lui-même les pièces, mais le Vieux Ben l'éconduit. P'tit Marcel s'en va en maugréant. Il rêve de devenir l'apprenti du Vieux Ben mais il ne sait pas comment lui dire. La mort dans l'âme, le Vieux Ben va solliciter l'aide de l'érudit Randavarkus. Randavarkus daigne lui donner des indications techniques, mais il ne retourne pas voir le tracteur avec lui. Le vieux Ben doit faire avec des conseils oraux, sans avis basé sur l'observation de la machine. Il tremble, il fait tomber ses outils. Son cour lui fait mal. Il se dit qu'il n'en a plus longtemps, et il n'est même pas cabale de réparer cette foutue bourrique de Robert. C'est comme si Robert était fatigué de vivre. Le Vieux Ben est fatigué, lui aussi.
Depuis quelques temps, le système d'irrigation est défaillant. La rivière qui l'alimente doit être bouchée ou détournée. Randavarkus va voir le chef du village, Bastien. Il a fait des plans et leur demande de faire des travaux. Bastien lui demande d'aller sur place. Mais Randavarkus décline. Il dit qu'il n'est pas un homme de terrain et ne sait pas travailler de ses mains : il veut juste que les paysans fassent comme il dit (et de partir dans de laborieuses explications). Louis, le fils du chef, un rude gaillard, rougeaud, les mains calleuses, traite Randavarkus de poule mouillée. Il dit qu'il ne veut pas aller à la rivière car elle est proche de la forêt profonde, qu'il y a des fantômes. Randavarkus va chercher de l'aide, il en trouve chez Kochi et chez Eliane, qui pense que les fantômes ne sont pas malfaisants, qu'ils sont juste des ancêtres en peine qui ont des messages à nous transmettre, mais comme il refuse toujours d'aller sur le terrain, le chef refuse d'entamer des travaux sous sa supervision.
Le chef Bastien demande au jeune Kochi d'aller ramasser des pommes de terre, mais presque aussitôt après il lui fait comprendre qu'il ne compte pas sur sa collaboration, que Kochi est devenu trop sensible pour être bon à rien. Piqué au vif (évidemment, d'une façon excessive), Kochi insiste au contraire pour se rendre utile. Il rejoint les femmes paysannes qui ramassent les pommes de terre. Il fait chaud, ce sont les derniers jours d'été. Il voit Eliane penchée à ramasser les tubercules, les joues roses, de la sueur sur sa peau. Kochi est pris dans un nouvel étage de son ascenseur émotionnel, cette fois-ci il éprouve, sinon de l'amour, au moins une curiosité ardente pour Eliane. Elle en profite pour lui dire qu'elle veut partir demain à la Surface, qu'il devrait l'accompagner, parce qu'elle a peur d'y aller seule, et parce qu'il pourra lui être utile sur place, grâce à son "don" qui devrait attirer les fantômes. Pour ce qui est de parler aux fantômes, Eliane en fera son affaire. Kochi proteste, mais Eliane lui signifie que s'il refuse, elle ira toute seule, à ses risques et périls, et finalement il accepte de participer à l'expédition. Eliane parvient aussi à convaincre le Vieux Ben et Randavarkus de se joindre à eux : on fera une escale à Metro, où tous deux pourront voir des choses qui les instruiront, et puis à la Surface il y a des carcasses de véhicules que le Vieux Ben pourra désosser et des phénomènes paranormaux que Randavarkus pourra étudier. Randavarkus se moque de la crédulité d'Eliane. Il ne croît pas aux fantômes, mais accéder aux savoirs de Métro l'intéresse.
Le lendemain soir, au crépuscule. Hommes et femmes sont dans les champs à récolter les épis de blé. Au loin, un tocsin résonne. C'est l'Angelus. Hommes et femmes s'arrêtent pour prier. L'une d'elle est la mère d'Eliane. Elle prie pour le salut de son mari, le père d'Eliane qui est disparu. Eliane lui demande de les accompagner à la Surface, elle pourra revoir son père et lui parler. Mais la mère refuse, elle trouve que c'est trop risqué et doute des hypothèses d'Eliane. P'tit Marcel vient voir la mère d'Eliane et lui demande si elle lui a fait une tarte pour ce soir, comme d'habitude. Depuis qu'il est orphelin, P'tit Marcel est sous la garde de la mère d'Eliane, c'est devenu un fils par substitution. Elle ne veut pas l'abandonner pour cette aventure périlleuse. Eliane convainc P'tit Marcel de se joindre à l'expédition pour accompagner le Vieux Ben, et la mère d'Eliane rejoint alors l'équipe à contrecœur.
L'expédition est arrivée dans la ville souterraine de Paris. Ils sont dans le Dernier Metro, c'est-à-dire la seule rame encore en activité. Ils sont chargés de pomme de terre qu'ils ont prévu d'échanger contre du matériel. Serrés contre eux dans la rame surchargée, les crève-la-faim de la ville les regardent avec envie. Un type de la mafia fait la sécurité. Eliane dit au Vieux Ben et Randavarkus qu'ils devraient aller voir le conducteur de la rame. Il n'y a pas de porte close entre le wagon et la tête de rame, alors ils peuvent en effet le voir. Le conducteur, c'est Raymond Lagagne, un gars dans une blouse bleue pleine de cambouis qui fume une éternelle vieille clope. Il leur explique comment il a retapé la rame, du wagon jusqu'aux circuits du tunnels, leur montre son tableau de bord rafistolé et les baroques amas de fils électriques dans la cabine. Randavarkus est fasciné. Il trouve enfin quelqu'un qui parle le même langage technique que lui. Raymond leur explique qu'il est tout seul, il aurait besoin de monde pour restaurer l'éclairage dans les stations, faire des relais, peut-être ouvrir une deuxième rame. Randavarkus et le Vieux Ben acceptent de travailler pour lui. Ils se sentent tous les deux plus utiles ici qu'au village. P'tit Marcel est en revanche très attristé que le Vieux Ben abandonne ainsi le tracteur Robert et tous les villageois à leur sort.
L'expédition monte ensuite à la Surface, comme elle l'a promis à Eliane. Ils montent une échelle dans un conduit d'égout, et arrivent à la surface. Il n'y a aucun son sinon celui du vent. Kochi ramasse des bouts de papier, ce qu'il y a écrit dessus le bouleverse. Eliane est radieuse, elle danse sous les flocons de papier, elle montre à P'tit Marcel comment en attraper avec sa langue.
Elle ramasse un des papiers et le lit :
« Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne »
Le Vieux Ben voit un pont de métal rouillé qui enjambe la Seine, il est couvert de carcasses de voitures. Il s'y rend, mais il fait face à la déception ; rien dans ces épaves ne semble encore utilisable.
Kochi sent que des fantômes l'observent et utilisent son hypersensibilité pour prendre son contrôle. Il s'y abandonne, et sous la dictée des fantômes, il entraîne Eliane pour la conduire jusqu'à eux. Sous le charme, elle se laisse faire, et tous deux courent si vite qu'ils abandonnent le reste du groupe.
Randavarkus voit bien qu'il n'y a rien d'intéressant à la Surface, sinon des contes à dormir debout. Il redescend travailler avec Raymond sur le métro. Mais déjà il rêve d'autre chose : approcher les nobles et leurs savoirs...
Le Vieux Ben l'a rejoint. Mais assez vite, son travail sur le métro se fait sans entrain. Il regrette d'avoir abandonné le village.
Kochi a entraîné Eliane, main dans la main, jusqu'aux ruines de Notre-Dame. Ils sont entrés dans la cathédrale. Vitraux brisés, statue et colonnes à bas, végétation, toit éventré devenu un puits de lumière, vol d'oiseaux. L'endroit avait vraiment quelque chose de sacré.
Ils ont vu le père d'Eliane dans l'allée.
Eliane s'est approchée.
Elle allait enfin pouvoir lui parler.
Et puis il y a eu ce bruit de fond.
Comme un tremblement de terre.
Et ce bruit venait de Kochi.
Feuilles de personnage :
Le Vieux Ben, ingénieur dans la communauté
Problème : actuel 0, seuil 3 : Peur de devenir inutile
Obstacle interne : Je deviens de plus en plus maladroit avec la vieillesse
Obstacle externe : les matériaux se font rares et dysfonctionnent
Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Honte (non exprimé), Tristesse (exprimé), Gaité (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je vais bientôt mourir 3
Croyance externe : Je suis terrifié par les fantômes 3
Lien : J'ai du mépris pour Randavarkus, il ne se mouille pas 3
Lien : différend avec Eliane au sujet des fantômes 3
Lien : Robert le Tracteur a une grande valeur sentimentale 3
Lien : Regrets vis-à-vis de l'abandon du village 3
Kochi, paysan
Problème : actuel 2, seuil 3 : Sous l'égrégore ou l'emprise, je suis atteint d'hypersensibilité extrême (un seul sentiment à la fois)
Obstacle interne : mon problème est pernicieux ; j'aime ça.
Obstacle externe : Je rencontre l'incompréhension ou la peur
Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Amour/curiosité (exprimé), Doute (non exprimé), Exaltation (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je vais dépasser une limite 3
Croyance interne : Personne ne peut accepter mon problème 3 -> Seule Eliane peut accepter mon problème 3
Croyance externe : J'ai un but à la Surface 1
Lien : admiration envers Randavarkus 3
Lien : influence d'Eliane 3
Lien : Au moment où Eliane voit son père approcher et entend le bruit, je me rend compte que je provoque le bruit 3
Randavarkus, érudit
Problème : actuel 2, seuil 3 : Comment transmettre mes connaissances pour le bien de la communauté ?
Obstacle interne : Pensée trop théorique
Obstacle externe : Les autres ne sont pas réceptifs à mes connaissances
Sentiments ; actuel 4, seuil 9, Cartes 3
Colère (exprimé), Déception (non exprimé), Dépit (exprimé), Joie (non exprimé), Motivation (non exprimé)
Traits
Croyance interne : Mes connaissances sont utiles ! 4, puis 3
Croyance interne : Peur du terrain 1 -> J'apprendrai des choses si je vais sur le terrain 2
Croyance externe : Mes connaissances ne peuvent pas être comprises par n'importe qui 3
Lien : Pas de reconnaissance pour le Vieux Ben 3
Lien : admiré par Kochi 3
Lien : Reconnaissance par Raymond 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : j'irais bien à la rencontre des nobles 3
Éliane, paysanne
Problème : actuel 1, seuil 3 : Je suis lassée de la vie sans merveille de la communauté
Obstacle interne : J'ai peur d'aller à la Surface toute seule
Obstacle externe : Personne ne veut m'accompagner
Sentiments ; actuel 1, seuil 9, Cartes 2
Peur (exprimé), Espoir (non exprimé)
Traits
Croyance interne : je suis née pour parler aux fantômes 3
Croyance externe : les paysans sont englués dans une vie misérable et ne veulent pas en sortir 3
Lien : La Surface est la solution pour Kochi 3
Lien : clash avec le Vieux Ben au sujet des fantômes 3
Lien : je recherche mon père disparu 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : je ne sais pas ce que va dire mon père 3
Décor et figurants :
Décor découpé en quatre zones : les clairières des paysans, la forêt profonde, la Surface, Métro.
Robert le Tracteur (Je suis fatigué de vivre 3)
P'tit Marcel (je veux prendre la suite de Vieux Ben 3)
Bastien le Chef (ennuyé par la situation 3)
Louis le fils du Chef (pense que Randavacus est un baltringue 3)
Le Barman
Mère d'Eliane 3
Raymond Lagagne
Commentaires sur le jeu :
J'ai défini le cadre avec les joueurs, j'avais l'Atlas de Millevaux comme aide de jeu. On s'est d'abord fixé sur la France pour être plus à l'aise avec le contexte, j'ai alors énuméré les lieux de France de l'Atlas, et les joueurs ont opté pour Métro. J'ai résumé les forces en présence, et nous avons opté pour une communauté de paysans.
Contrat social : on est parti sur l'idée que le sexe et la violence étaient possibles, mais ne seraient pas décrits en détail.
Mise en scène à MJ tournant lors des scènes de développement : Les joueurs avaient très peu d'expérience en jeu de rôle, et aucun n'avait jamais maîtrisé. Ils se sont néanmoins prêtés à l'exercice de mise en scène. J'ai juste cadré leur mise en scène de plusieurs façons : au début de la scène, je demandais au joueur Protagoniste s'il avait une envie pour la scène, je redonnais les obstacles internes et externes du Protagonistes au joueur Metteur en Scène pour qu'il les potasse, et si le Metteur en Scène peinait à introduire une adversité, je le faisais moi-même par le biais de mon personnage ou de figurants.
On a joué les deux premiers conflits cartes visibles pour mieux expliquer, et après ça a roulé cartes cachées sans problème.
Sauf incompréhension ou oubli de ma part, je pense avoir joué les règles à la lettre. De mon côté, c'était totalement concluant. Ma mécanique préférée c'est la collecte et l'expression de sentiments, qui amène sur un jeu très empathique. J'avais beau ne pas connaître les joueurs, et eux ne pas avoir beaucoup d'expérience, on a vraiment joué sur l'émotion, donc à mes yeux la promesse du jeu est bien tenue. Je serais curieux de voir ce que ça donnerait entre des personnes qui se connaissent très bien, comme c'est conseillé dans les règles.
Le mix avec Millevaux a bien fonctionné, même si j'ai sans doute modéré l'aspect crade ou dangereux de l'univers, pour laisser de la place aux moments intimistes. Comme l'a dit Frédéric, il est aussi possible que jouer dans un univers fictionnel, de surcroît avec du fantastique, a mis les joueur.se.s plus à l'aise que si on avait joué dans notre univers contemporain avec des problématiques de type cancer, coming-out... Même si les problématiques du Vieux Ben, de Randavarkus, et dans une moindre mesure de Kochi, auraient pu s'appliquer dans un univers contemporain !
Je me suis fait un plaisir de mise en scène quand j'ai joué une scène de développement en Protagoniste (Eliane). Ce n'était pas moi le metteur en scène, mais j'ai juste décrit l'intro : une reproduction du tableau L'Angelus de Millet. C'était vraiment troublant de se dire, ça y est, on joue les personnages de ce tableau célèbre.
On n'a pas eu le temps de jouer jusqu'à une résolution de problème. Sur les cinq dernières minutes de jeu, j'ai demandé à chacun de faire une scène d'exposition (c'est à dire un monologue) où il racontait une fin en cliffhanger pour son personnage.
Retour des joueurs :
Joueur du Vieux Ben :
+ Super sympa
+ Le jeu à MJ tournant permet de contrôler l'histoire qu'on veut veut amener
+ Point faible : on ne peut pas faire progresser son problème pendant la scène d'un autre. [note de Thomas : alors que ça a pu arriver au Vieux Ben de faire des progrès pendant la scène d'un autre, mais mécaniquement il n'avait pas le droit de faire progresser son problème]
+ Quand on est MJ tout seul, peut-être qu'on peut s'essoufler, mais là on est quatre à avoir des idées.
+ C'est bien que le hasard soit maîtrisé.
+ Bien équilibré entre les actions et les sentiments
+ C'est bien qu'on ait le choix de sa personnalité.
+ Millevaux est un bon terreau pour inventer des histoires où les persos sont obligés de se disputer.
Joueur de Randavarkus :
+ C'est désarmant de jouer le MJ.
+ Si on l'habitude d'être MJ et qu'on se retrouve à être joueur, on est moins frustré avec ce type de jeu.
+ J'aime l'idée des scènes d'exposition.
+ C'est un roleplay un peu supérieur, on n'interprète pas un nain radin.
Joueur de Kochi :
+ Dans ce jeu, s'il y avait qu'un MJ, ce serait rigide, c'est mieux que chacun puisse apporter ses idées.
+ J'aime le fait qu'on est dans le personnage, dans ce qu'il ressent, on est pas dans résoudre une mission.