Cold Soldier : Jouer un personnage inhumain

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Cold Soldier : Jouer un personnage inhumain

Message par Frédéric » 21 Mars 2014, 19:56

J'ai tendance à penser que jouer un personnage complètement inhumain, c'est fun 10 secondes et demi.

Ce soir-là, Gaël est passé à la maison pour se faire une partie d'un JdR à 2. Je sors Cold Soldier, un JdR de 5 pages pour 2 joueurs par Bret Gillan.

Un joueur est le Dark Master, l'autre est son serviteur... zombie. Oui, un zombie. Le joueur qui joue le zombie n'a pas le droit de communiquer, c'est à dire qu'il ne peut ni parler, ni faire de gestes, ni émettre de grognements visant à exprimer quelque chose envers d'autres personnages.

Clairement, à cette étape de la lecture du jeu on ne sait pas trop où on met les pieds. Ça sent l'indigestion de saucisses.

Le Dark Master donne une mission à son serviteur. Puis on raconte comment il cherche à l'accomplir et quand on y est, on lance la mécanique de résolution. On joue plusieurs scènes jusqu'au moment où les joueurs décident de finir la partie.


La partie

La première scène est racontée par le Dark Master qui donne naissance à son serviteur :
Gaël décrit un terrain boueux et infertile, des potences avec des corps qui pendent au bout de leurs cordes. Le serviteur sera l'un de ces corps. Le maître avance, portant un haut de forme, le visage tuméfié. Il prononce une incantation avec force effets spéciaux. Il coupe la corde et explique à la créature qu'il veut récupérer son domaine qui lui a été arraché. Pour cela, il a besoin d'une concrétion aurifère se trouvant dans l'estomac d'une prêtresse vivant dans le château dont le maître a été expulsé.

Je décris mon zombie : un être élancé, d'une grande maigreur et à la peau lisse et pâle, transparente, presque bleuâtre. Son arme, ce sont ses dents proéminentes.

Pour accomplir ma première mission, je raconte que je m'infiltre par les conduites d'eau du château, nageant dans la fange et les odeurs pestilentielles.
Gaël décrit des individus construisant un mur pour condamner le conduit par lequel je viens.
Je raconte que j'en attrape un à la jambe, je le noie et le dévore, nappant la boue d'une teinte rougeâtre.
Puis les humains réagissent et utilisent leurs torches pour me maintenir à distance et s'enfuient.
Je passe par un autre conduit, les rats détalent devant moi. Je me hisse jusque dans la serre où se trouve la prêtresse, en compagnie d'un chevalier.
Je sors du mince conduit, et me jette sur la femme.

On joue la mécanique de résolution qui fonctionne avec des cartes : le principe, c'est que le joueur peut choisir d'accomplir la mission ou d'essayer de résister. D'utiliser son arme pour avantager le maître pour le combat final (et accomplir la mission) ou raconter un souvenir de la vie d'humain de son personnage pour s'avantager lui-même et c'est là que ça devient intéressant.
Je décide de raconter un souvenir : je me revois humain, et avec moi, une enfant qui me ressemble : ma sœur. Quand la prêtresse se retourne, je la reconnais, c'est elle, avec 10 ans de plus.
C'est une défaite, le chevalier s'interpose, me transperce de son épée, j'arrive à me libérer et je m'enfuis par un conduit de la serre.

Après cet échec, le maître m'envoie recommencer la même tâche (il aurait pu m'en donner une nouvelle, c'est au choix du MJ).
Mais la prêtresse s'est isolée dans un temple pour se protéger du mal qui rôde (moi).

Je piège le chevalier qui monte la garde en extérieur, je sectionne un tendon de mon bras et je l'étrangle avec. Ensuite je l'entraîne dans une cavité souterraine, je le dépèce et enfile sa peau pour pouvoir entrer dans le temple. Couvert de la peau et de l'armure du chevalier, j'entre dans le temple et on tire les cartes.

Je décide de résister à la mission pour épargner ma sœur, qui reconnait mes yeux dans la fente du casque. J'y parviens, mais ce faisant, j'ai dépensé mon meilleur atout pour le conflit final.

Conflit final :
On décide de terminer la partie. Le maître intervient en personne pour s'occuper de la prêtresse. Je veux l'en empêcher. Mais il tire de meilleures cartes que moi et obtient ce qu'il désire : Comme mon dernier acte de rébellion a échoué, il prend le contrôle de mon corps et me fait ouvrir le ventre de ma sœur et prendre la perle d'or grâce auquel il pourra rebâtir son royaume.

Fin de la partie.


Commentaires

Sincèrement, j'étais très sceptique avant de commencer le jeu et en dehors du fait qu'on a eu du mal à bien comprendre les règles, je me suis très rapidement pris au jeu.
Ce qui est très subtil, c'est le paradoxe de jouer une créature sans conscience qui éprouve de brefs élans d'humanité et d'amour.
Mais merde, je voulais VRAIMENT la sauver ma sœur ! Il s'est passé 3 fois rien et on s'est laissés prendre à 200%.
En fait, on a joué une partie en accéléré. Normalement il faudrait jouer plus de scènes. Mais je me suis tellement engouffré dans la mécanique perverse du jeu que tout est allé très vite et au départ on avait prévu de tester, pas forcément d'y jouer vraiment.

La chose qui me laisse légèrement insatisfait, c'est : de quelle façon rendre les scènes de mission intéressantes tant qu'aucun souvenir n'entre en jeu ? Comme il n'y a pas de mécanique de résolution, on se contente de narrer des choses à tour de rôle jusqu'à ce qu'on décide d'aller au but de la scène.
Le livre dit seulement que le joueur raconte ce que fait son personnage et le MJ décrit le reste.
D'ailleurs, par moments, en racontant ce que je faisais, Gaël n'avait plus de raison de raconter quoi que ce soit et ça manquait un peu d'interactions, du coup.

Les règles sont faites pour faire du chantage au joueur en le poussant à commettre des choses abjectes et en introduisant dans les scènes des liens affectifs de son ancienne vie. Puis, le jeu lui laisse la possibilité de protéger ce qui compte pour lui, mais à un certain prix.
Je suis complètement bluffé. Je m'attendais à raconter une histoire un peu gratuite et mécanique avec un personnage sans véritable intérêt personnel à défendre et la partie m'a scotché.

Jouer un personnage complètement inhumain reste à mon avis sans intérêt. Mais là où le jeu s'en sort magistralement, c'est qu'il joue sur la tension entre inhumanité et humanité et ça, c'est très très fort.
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Re: Cold Soldier : Jouer un personnage inhumain

Message par Christoph » 21 Mars 2014, 22:01

Salut Frédéric

C'est marrant, je me demandais il y a quelques jours si tu y avais déjà joué... content qu'il te plaise ! Sacré partie que vous avez joué, cette impuissance du personnage à résister à la volonté de son maître, c'est l'étoffe des cauchemars.

J'ai moi aussi été agréablement surpris lors de mon unique partie, même si elle avait duré un poil trop long à mon goût. Je le vois maintenant comme une sorte de rejeton terrible de My Life with Master et S/lay w/me. Le jeu m'a fait tellement bonne impression que j'ai à nouveau suivi les conseils de Ron, sur lesquels j'avais déjà acheté Cold Soldier, et j'ai commandé Final Girl, qui a quelques idées assez excellentes. Toujours pas testé en revanche.
Les Petites choses oubliées, avec Sylvie Guillaume, c'est arrivé !
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Zombie Cinema, en français dans le texte.
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Re: Cold Soldier : Jouer un personnage inhumain

Message par Frédéric » 22 Mars 2014, 00:12

Ca m'a vraiment donné envie de jouer à ces JdR indés qui me supplient depuis mon étagère/disque dur. ^^

Et "rejeton terrible de My Life with Master et S/lay w/me" c'est exactement ce que j'ai pensé en y jouant !

En tout cas, si l'occasion se représente, je n'hésiterai pas à rejouer à Cold Soldier, maintenant qu'on a assimilé les règles (c'était une fausse bonne idée d'apprendre les règles en jouant).
Frédéric
 
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Re: Cold Soldier : Jouer un personnage inhumain

Message par Christoph » 24 Mars 2014, 16:23

Si Gaël lit ceci : qu'est-ce que tu en as pensé, du point de vue du MJ ?
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