[Arbre] Balade pour un Missile

[Forum fermé] Si vous cherchez un coup de main, des collaborateurs ou un avis éclairé pour vos propres projets

[Arbre] Balade pour un Missile

Message par Thomas Munier » 26 Sep 2013, 10:18

BALADE POUR UN MISSILE
Joué le 07/09/2013 avec Anna (Ezekiel), Melody (Elizabeth) et Martin (Lahache)

« Ce système ne me convient pas pour explorer Millevaux. ». C’est ce que j’ai souvent entendu pour Millevaux Sombre, pour Inflorenza, et même pour les anciens systèmes que j’employais avant. L’univers de Millevaux était trop fouillé (fouillis) pour se contenter d’un seul système. J’avais Sombre, parfait pour de l’horreur survivaliste sous l’angle ludiste, j’ai ensuite eu Inflorenza, pour l’horreur épique centrée sur l’histoire. Mais ni l’un ni l’autre ne permettait d’explorer Millevaux. Sombre limitait l’exploration à des huis-clos mortels. Inflorenza, en donnant la main aux joueurs pour imaginer l’univers, les dépossédait de l’exploration. Il fallait un troisième système, entièrement dédié à l’exploration. Lâchons le mot : il fallait qu’il encourage la démarche créative simulationniste.

Alors Arbre est né pour satisfaire les attentes de certains joueurs et pour moi-même redécouvrir Millevaux. C’était en mars, avril. Entre la publication du Livre Source de Millevaux Sombre et les playtests d’Inflorenza, je n’avais pas le temps de playtester. J’ai noirci deux pages de notes puis laissé retomber le soufflé.

Arrivé à la rentrée, je n’ai plus besoin de tester Inflorenza. Je suis en train de tester mes scénarios Sombre Zero pour Putride N°2, mais je les avais déjà tous testés avec mon groupe habituel. A l’occasion de se remettre à table , j’ai ressorti ce vieil Arbre de son tiroir.

Voici le cahier des charges :
+ La priorité, c’est d’explorer l’univers.
+ C’est un jeu d’ambiance et c’est « chair et sang », basé sur l’attrition.
+ C’est un jeu de rôle traditionnel. Le MJ, c’est le boss. Il permet aux joueurs d’explorer en révélant l’univers au fur et à mesure des errances des PJ.
+ C’est un jeu de rôle à la saveur old school. Il s’adresse aux joueurs qui ont de la bouteille et recherchent une approche nostalgique.
+ C’est fait pour faire des séances longues (min. 3-4h) et de la campagne. On ne calcule pas la fin des parties comme dans Sombre ou Inflorenza. On mange dans le sandwich tant qu’on a faim, ensuite on le repose pour le reprendre la prochaine fois.
+ C’est sans préparation. Le MJ assimile l’univers puis écrit son bac à sable en même temps que les joueurs créent leurs persos.
+ La mortalité est contrôlée. On a des chances de garder le même perso jusqu’à la fin de la campagne, de plus en plus sale, de plus en cabossé. On descend aux enfers, on crève pas au premier round.
+ C’est diceless. On joue avec des cartes écrites par les joueurs. Ces cartes, ce sont des post-it ou des feuilles de bloc notes. Une carte = un mot. On fait de la simulation avec un système simple et free form. Rien n’est chiffré. Pas d’inventaire, de listes d’effets.
+ Le jeu est basé sur la micro-gestion du matériel. Tout est matériel. Ton équipement, tes provisions, tes véhicules, tes animaux, mais aussi tes amis, tes amours, tes emmerdes. C’est un jeu d’attrition parce que le rôle du MJ, c’est de taper dans ta réserve de cartes.

Ce cahier des charges ne devrait pas beaucoup varier.

Les règles

La feuille de personnage, c’est sept compartiments : cœur, crâne, mémoire, viande, viscères, matériel, microcosme. Hormis certains compartiments invalides (le joueur se choisit des infirmités à la création), chaque compartiment contient des cartes écrites par le joueur, comme « fusil », « chien », « Marion », « mal de ventre », « pistage ». Les cartes changent de signification selon le compartiment où elles se trouvent.

Le MJ a aussi une feuille de perso, qui couvre la forêt toute entière et constitue son scénario bac à sable. Il a aussi 7 compartiments : hommes, bêtes, horlas, nature, outils, corruption, égrégore.

Le jeu alterne entre deux phases. Au début de chaque phases, toutes les cartes sont face cachée :
+ Phase d’Ambiance : Y’a pas de rounds ou d’initiative. On est dans du jeu lent, du jeu d’ambiance. A chaque fois qu’un perso ou que le MJ révèle un de ses aspects, il retourne une carte (ex : je sors mon flingue, je dévoile ma carte « flingue » dans le compartiment Matériel. Je parle de ma tante décédée, je dévoile ma carte « tante » dans le compartiment Mémoire. Le MJ parle d’une rumeur sur des pillards qui zonent dans le coin, il dévoile sa carte « pillards » dans le compartiment Hommes.
Pour faire des tests de compétence, le joueur doit prouver que son perso est capable de réussir parce qu’il a l’équipement ad hoc. Tu veux monter dans un arbre, tu dévoiles ta carte « corde », tu veux enquêter sur la mort de ton père, tu dévoile « père », etc… Tout le troc, l’acquisition de nouveau matériel, la découvertes de nouvelles choses se fait par échange de cartes avec le MJ (qui peut créer jusqu’à trois cartes à la volée, sinon il tape dans ses compartiments).

+ Phase de Mêlée : C’est quand il y a un gros truc qui se passe et tout le monde agit, ou alors un moment où tout le monde fait des actions étendues. Ça se déclenche quand le MJ ou tous les joueurs ont dévoilé 7 cartes ou sur un déclenchement forcé (un joueur ou le MJ enterre volontairement une carte). Il y a un plateau au milieu du jeu avec une série d’actions. Dans le désordre : détruire, enterrer, déterrer, cacher, dévoiler, traîner, pétrifier, donner, chasser, troquer. Toutes ces actions ont une traduction dans la fiction et un effet sur les cartes. La mêlée se déroule en un round unique où chaque joueur mise sur une action, le MJ mise sur 1 à 3 actions. La mise, c’est des cartes dévoilées (« pelle » pour enterrer, « biceps » pour pétrifier…) et des cartes cachées pour faire monter la mise, mais qui sont alors sacrifiées.

Toutes les actions consistent à faire circuler des cartes entre les compartiments des joueurs, du MJ, le cimetière et une zone de non-retour où vont les cartes détruites. Les cartes sont aussi des points de vie ! A chaque fois que le compartiment d’un PJ est vidé de ces cartes, le compartiment est fermé, invalide. Un PJ qui n’a plus que deux compartiments valides meurt. Quand au MJ, si un de ses compartiments est vidé de ses cartes, il ne devient pas invalide mais le MJ perd une action lors de la prochaine mêlée.


La fiction :

Nous avons situé l’intrigue de cette séance juste à la suite de notre partie de Barbaque !, un scénario pour Millevaux Sombre Zero. Cette transition d’un système vers l’autre illustre les différences de braquet entre les deux : Sombre pour le survival court, Arbre pour la campagne à PJ récurrents.

Les joueurs ont créé leur perso, et moi mon bac à sable. En tout vingt minutes. On a ensuite joué 4 à 5 heures. On commence, toutes les cartes sont face cachée. Je sais pas ce que les joueurs ont écrit, ils savent pas ce que j’ai écrit.
Ezekiel l’albinos (Anna) vient de Métro, marchant sur la Voie Déchue, couvert de poussière. Elizabeth la rousse hirsute (Melo) marche aussi sur la Voie Déchue, mais elle vient de la Saxe, plus exactement du port pirate de Rottendam. Quand à Lahache (Martin), le bûcheron, il vient de la forêt. Ils se rencontrent parce qu’ils ont été attirés par la même chose : le buggy de Julio. A bord, les cadavres égorgés de Julio, Moïse, Lavoie et du chien Enrique, couverts de mouches. Sur la plateforme, une mystérieuse malle noire. Partant du buggy, des traces de sang et des pages d’almanachs abandonnées.

Lahache pète le cadenas de la malle. (système : il dévoile sa carte « Hache » en Matériel) Elle contient… un missile ! Il porte d’indéchiffrables inscriptions en alphabet cyrillique. Le groupe se met d’accord pour exploiter ensemble la découverte du buggy et du missile. Personne n’a envie de se battre à mort ou de gérer seul ce riche mais dangereux fardeau (système : le groupe a un compartiment en commun, Crâne, qui indique une association de raison, un but commun).

Ezekiel dégage les cadavres. Sauf celui du chien. Lahache le coupe en trois et partage (système : Le MJ crée une carte « Chien » et la donne à Lahache. Mais Lahache montre sa carte « Hache », il lui rend la carte « Chien » et le MJ lui refait trois cartes : « Tête du Chien », « Torse du Chien » et « Cul du Chien », et Lahache les distribue aux autres joueurs). Ezekiel prend le volant du Buggy (système : le MJ prend la carte « Buggy » dans son compartiment Outils et la donne à Ezekiel qui la met en Matériel), Elizabeth et Lahache montent à bord. Après un débat entre deux destinations, Métro et la Saxe, le groupe vote pour Métro, une ville où il serait possible de revendre le missile à bon prix.

Le buggy repart vers l’ouest. Dans leur rétro, ils voient un quad qui s’approche, ils accélèrent. Lahache observe dans le rétro (système : il dévoile sa carte « œil de lynx » en Viscères) ; en fait les gars en quad sont des carjackeurs, il les voient attaquer un véhicule garé sur le bas-côté. Sur la route, un panneau de bois cloué sur un panneau d’aire de repos : Auberge Campagnile. Ça tombe bien, c’est l’heure du déjeuner, personne n’a envie de manger de chien, on s’arrête. Le parking bétonné est désert. L’auberge, installée dans les ruines d’un restoroute, est barricadée, conçue pour tenir un petit siège. Ezekiel planque le buggy (système : il mise une carte sur l’action « cacher ») et c’est bien parce que plus tard les pillards en quad feront un rapide tour de piste sur le parking.
Le groupe fait connaissance avec les aubergistes, le truculent Briochon et la plantureuse Croûtelle, très gentils, très bavards, très bizarres. Lahache paye Croûtelle avec un torse de chien pour planquer la malle (système : il mise « torse de chien » sur la carte « cacher ») dans l’écurie sous la paille. Il y a un autre convive… Mr Clément.

Mr Clément est un sympathique vendeur d’almanach. Sauf qu’en vrai sa nuque est infestée par un Ver Vorace qui en fait un psychopathe amateur de chair humaine. Mr Clément fait tout pour sympathiser avec les PJ qui forcément le trouvent chelou (Mr Clément a becqueté les occupants du buggy, dont deux étaient les anciens PJ d’Anna et Martin). Il propose d’écrire leur épopée et de les accompagner dans le buggy. Quand aux aubergistes, ils assaillent les PJ de questions. Ils veulent en savoir un maximum sur eux pour leur préparer une tartacroûte « personnalisée ». En fait, ces larrons ne sont pas que des bocuses en herbe, ce sont des gastromanciens. Des sorciers de la bouffe. Ils servent des tartacroûtes envoûtées. Celle qui fonctionne le mieux, c’est celle de Lahache, qui le force à prendre sauvagement Croûtelle dans la pâte à tarte, à deux reprises.
En faisant une inspection des alentours (système : pendant une Mêlée, Melo mise des cartes sur l’action « chasser »), Elizabeth se fait infecter par un Ver Vorace accroché à une gouttière. Mr Clément l’accoste et lui explique sa vraie nature. Maintenant, ils sont pareils. Le truc, c’est qu’Elizabeth n’a pas de compartiment Crâne. Sa tête est trop dure pour que le Ver agisse sur son cerveau. Il est dans sa Viande mais ne peut pas la manipuler. Elizabeth finira par l’extraire avec sa carte « Couteau ». Mais en attendant, les PJ ont officiellement compris les plans de Mr Clément : les bouffer tous. Ils comprennent aussi que les aubergistes sont pas des marmitons ordinaires. Ils arrivent à entraîner tout le monde sur le parking pour une grande confrontation.

On provoque une Mêlée. Dans la baston, Mr Clément ouvre la gorge de Croûtelle, puis Briochon explose Mr Clément à coup de fusil. Elizabeth immobilise Briochon et Lahache lui prend la carte « fusil » et la carte « mitraille » qui va avec. (système : le MJ créé ces deux cartes à la volée pour les donner). Lahache donne ça à Elizabeth et il récupère la malle. Briochon avait remplacé par un cadavre de chevreugne, mais pour éviter les baffes, il révèle où était le missile, planqué dans la paille par précaution. Le groupe repart alors avec le buggy avec la malle, le missile et le chevreugne, laissant sur place Briochon, dévasté.

Résultat, le soir, il faut bivouaquer. Ezekiel arrête de conduire et on campe en forêt hors de vue du bas-côté de la Voie Déchue (pour éviter les pillards en quad qui zonent et attaquent les dormeurs). Moi, dans la dernière Mêlée, j’ai récupéré des cartes que Melo a misées. Deux noms de PNJ qu’elle avait dans son Cœur. Karl le chasseur, et Tara. Ils croisent Karl le chasseur. C’est lui qui livre du gibier à l’auberge. A discuter, c’est un gars tout ce qu’il y a de plus réglo, du coup on l’accepte dans le bivouac. Mêlée. Le groupe mange le chevreugne, mais ce dernier est trop faisandé. Je viens de miser sur l’action enterrer et j’attaque les Viscères des PJ. Ezekiel n’a pas de Viscères, ça ne lui fait rien mais Elizabeth et Lahache perdent chacun deux cartes de ce compartiment. Lahache sacrifie « très bonne assimilation » et « œil de lynx » : ce chevreugne daubé vient de lui flinguer sa flore bactérienne et sa vue ! Elizabeth mise sur dévoiler et vise le Cœur de Lahache. Lahache dévoile la carte « amitié fraternelle » et lui raconte les sentiments profonds qui l’unit à son frère.

On essaye de dormir. Mais pendant le premier tour de garde, on repère un sapin-goule dont les aiguilles tranchantes s’agitent. Le groupe se met en branle, mais trop tard pour Karl qui se fait hacher menu.

Du coup, le groupe lève le camp. Tant pis pour le dodo ! Marly-Gomont n’est pas loin, le buggy s’y rend à route forcée. Dans la fangeuse ville champignon, carrefour des Voies Déchues, il s’agit de s’organiser. Elizabeth paye le parking sécurisé pour le buggy en donnant sa carte « Fusil » au gardien. Ce dernier sent sa nervosité et insiste pour avoir aussi la carte « Mitraille ». A Marly, tout s’achète. La ville va grignoter leurs compartiments presque plus vite que la forêt. Il faut trouver un contact en affaire, parce que convoyer le missile à trois jusqu’à Metro, ça sera vraiment trop risqué. Je suggère Tara, contact d’Elizabeth (j’avais récupéré cette carte de son Cœur). Melo ne savait rien au sujet de ce PNJ à part son nom. Je brode alors que c’est une contrebandière de haut niveau, une slave, disciple de Khlyst. Elizabeth a fait affaire avec elle à Rottendam. Elle est très forte mais indigne de confiance à cause de sa religion axée sur le péché. Ezekiel la connaît aussi, de réputation. Tara a quitté Rottendam pour Marly quelques temps avant Elizabeth. Elle s’est installée dans une yourte au milieu des bidonvilles de Marly, avec ses deux gardes du corps, des cosaques pas jouasses et gueules cassées.

Ezekiel recopie les inscriptions en cyrillique du missile (système : je lui crée une carte « copie des inscriptions ») et le groupe va voir Tara avec ça. Leur amorce, c’est de demander à Tara de traduire vu qu’elle est slave, ça donnera une base. Mais Tara flaire le gros coup. Elle refuse les cartes de troc qu’on lui propose, elle veut en guise de paiement être mise au parfum de toute l’affaire, s’associer avec les PJ en somme. Elle est manipulatrice, érotique, dangereuse. Finalement, les PJ prennent congé sans lui laisser ni inscriptions à traduire ni promesse de marché.
La tension monte parce que maintenant Tara sait qu’un truc se trame. Les PJ vont à l’auberge dans l’église fortifiée de Marly (qui arbore maintenant à son fronton la tête coupée de Desireless, kamikaze expiatiste !) et payent l’aubergiste pour de la bière de lichen, et surtout pour des infos. Il s’avère qu’il y a moyen de faire affaire avec trois autres factions :
+ La Musaraigne, correspondant local de la Guilde de Châtelet, une mafia qui ceinture tout le trafic entre Métro et Marly.
+ les Templiers, qui encadrent les pélerins en route vers Compostelle.
+ L’Ost de Guerre, armée de chevaliers errants en provenance de Germanie , qui progresse vers l’Ouest pour une mystérieuse raison. Paraît qu’ils recrutent, et c’est la plus formidable force de frappe de la région.
On se promet d’aller passer un entretien avec chacune des factions et on se quitte là-dessus. La dangereuse balade pour un missile ne fait que commencer !


Les plus du playtest :
+ Déjà, on peut jouer. J’avais aucune assurance que ma première mouture d’Arbre tienne la route. Cette séance était un playstorming où j’ai changé pas mal de trucs à la volée sur mes intuitions et celles des joueurs.
+ Avec la circulation des cartes, je tiens un truc. Le geste physique de se passer des cartes, ça appuie le sentiment d’y être, de micro-gérer ses ressources en vrai. Plein de souvenirs : la tête que Melo a faite quand je lui ai demandé de me passer la carte « Mitraille » en plus de la carte « Fusil », la distribution des parts de chien, l’attribution de la carte « Buggy » et de la carte « Malle », le « j’te la donne, j’te la donne pas » entre Anna et Tara avec la carte « inscriptions ».
+ Le principe des compartiments et des cartes cachées est super évocateur. Quand Melo dévoile une carte du Cœur de Martin pour avoir une confidence, super. Le fait que moi-même, le MJ, je découvre les PJ au fur et à mesure, super. Toutes les saloperies de mon bac à sable planquées dans mes compartiments, super. En fait, pour jouer des bacs à sable sans préparation, c’est presque une martingale. Je visais le « Oltrée ! » du Grümph, mais avec zero préparation.

Les moins :
+ Pendant les phases d’Ambiance, ça tourne impeccable, c’est très proche des tests de compétence classiques, avec des cartes au lieu des dés. Mes bons souvenirs viennent de là. En revanche, c’est une phase de power gaming, où je donne aux joueurs des cartes créées à la volée ou issues de mes compartiments, sans leur prendre grand-chose en échange, à part vers la fin, à Marly, où j’ai commencé à faire payer plus cher. Martin m’a signalé qu’il ne craignait pas pour la vie de son perso. L’attrition aurait pu être plus sévère.
+ Pendant les phases de Mêlée, c’est l’usine à gaz. Il faut demander aux joueurs ce qu’ils veulent faire et traduire ça sous forme d’actions qui ont des effets sur les cartes. Quand Ezekiel demande à fuir la zone en buggy, je vois pas quel impact ça a sur les cartes. Au final, je lui ai fais jouer « Pétrifier », qui bloque la mise d’un autre, en l’occurrence le MJ pour l’attaque de Mr Clément.
+ La Mêlée, c’est presque du pur jeu de plateau. On mise des cartes sur des actions, l’objectif c’est de perdre le moins de cartes en contrant les saloperies des autres. Deux risques : désolidariser les enjeux fictifs des enjeux mécaniques, et produire un jeu déséquilibré en faveur des PJ. Même avec trois actions, j’ai trouvé que le MJ en bavait. Il misait trop de cartes, et du coup laissait ses compartiments vides à la merci d’une attaque, et perdait donc des actions pour la prochaine mêlée. J’ai retesté en solo, même constat. Le MJ se ferait encore plus panner avec des joueurs pro de jeux de cartes ou de jeux de plateau. Si le deuxième risque peut être réparé en revoyant les mécanismes, le premier est très préoccupant. Je ne veux pas qu’un joueur fasse telle ou telle action juste pour niquer des cartes au MJ et se cherche ensuite une raison fictionnelle bidon. Cf article de Frédéric Sintes, L’Analogie du jeu d’échecs. Dans l’état actuel, la Mêlée (équivalent d’un combat avec rounds et initiatives dans les jdr classiques) ne fonctionne pas alors que l’Ambiance (équivalent d’un test de compétences ou de gestion de matériel), plus free form, est pas loin d’être au point.
+ L’autre truc qui cloche en Mêlée, c’est quand tu récupères tes cartes misées à la fin. Parce que soit tu dois te rappeler dans quel compartiment elles étaient (et on peut avoir jusqu’à 6 compartiments), soit tu remets dans les compartiments que tu veux au risque de contrarier la fiction. (genre j’ai une carte « balle » en viande parce que je me suis pris une balle et en la misant et en la récupérant, je la remets en Matériel. On peut raconter que la balle a été extraite, mais quel lien avec l’Action entreprise lors de la Mêlée ?)

Les pistes :
+ Lors d’un deuxième playtest en solo, j’ai amendé ainsi les règles de Mêlée : on peut miser des cartes dévoilées et des cartes cachées, mais les cartes cachées sont enterrées. Mais ça pose presque autant de problèmes que ça n’en résout. Notamment que les joueurs accumulent des mises de cartes dévoilées avec des justifications bidon : Pour tuer l’Ours, j’utilise les cartes dévoilées Hache + Entonnoir + Mal de tête + Bisou. What the fuck ? Les joueurs les plus verbieux seront toujours capables de me sortir un assemblage narratif improbable pour justifier ces quatre cartes.
+ Ça m’ennuie parce que dans le premier playtest, les cartes misées retombaient dans la main du MJ, sauf si le joueur acceptait de réduire de moitié l’effet de l’action sur laquelle il avait misée. Pas hyper intuitif, mais au moins ça renflouait le MJ, et c’est super bon que le MJ récupère des cartes des PJ. J’ai récupéré Karl le Chasseur et Tara comme çà. Une façon d’utiliser le BG des persos bien plus efficace que n’importe quelle relation map. Faut que je remette ça au cœur du jeu.
+ Du coup, une piste pour les mises : tu mise cartes dévoilées + cartes cachées et de base le MJ récupère toute les cartes cachées.


A ce stade je suis aussi enthousiaste que dubitatif à l’idée de m’attaquer à ces corrélations entre cartes et fiction. Je suis preneur de toute remarque qui pourrait m’aider à bâtir une cohérence autour de ce concept qui m’est cher et promet une expérience de jeu aussi nouvelle que nostalgique.
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
Message(s) : 2003
Inscription : 30 Nov 2012, 12:04

Re: [Arbre] Balade pour un Missile

Message par Frédéric » 26 Sep 2013, 14:56

Salut Thomas, j'ai vraiment le sentiment qu'il y a du bon derrière cette mécanique de transactions de cartes, les exemples positifs que tu donnes sont ceux qui m'ont sauté aux yeux : le troc, l'exemple des morceaux du chien, etc.

Combien de cartes possèdent les joueurs au départ ? Ont-ils une limite pendant le jeu ?

Je pense qu'il faudrait établir des "catégories" de cartes et donner des règles d'utilisation pour chaque catégorie : tu ne fais pas la même chose avec un flingue, une relation, une voiture, une pomme, "brutalité" etc.

On peut imaginer à vue de nez des distinctions du type :
- objet
- personne
- immatériel
- corps du PJ (santé, blessures) ?

Aussi :
- arme
- nourriture
- véhicule
- ressource (carburant, munition etc.)

Nourriture peut être une ressource.
Dans Démiurges, j'utilisais au départ les Traits de relations (le Liens) comme les autres Traits. Et je me suis rendu compte que c'était la porte ouverte à tous les excès et à toutes les fantaisies, du type : je pense à ma mère qui me disait de ne pas me bagarrer et hop, j'utilise la relation avec ma mère pendant que je me bastonne avec des mafieux, tandis que ma mère n'est pas présente dans la scène. Du coup, j'ai repris la limitation de Dogs : je ne peux utiliser un Trait que si je suis en conflit contre le personnage ou si l'Enjeu porte sur le personnage en question. Bien sûr, tu vas devoir trouver des limitations spécifiques à la mécanique de ton jeu.

Un autre point : une voiture vaut combien de flingues ? de pommes ? d'humains ?
J'imagine qu'une carte n'en vaut pas une autre.
De même, avant d'éclater une voiture, il va falloir lui en donner des coups de masse. Peut-être que ça vaut le coup de quantifier la résistance de certains objets pour ne pas la défausser comme une simple pomme. Encore une fois, les règles doivent changer en fonction de la nature du contenu de la carte.

De plus, j'ai le sentiment qu'en guise d'attrition, les personnage ne s'usent pas vraiment sur la durée, mais plutôt échangent, perde des gros bouts (objets). On est plus dans une logique de transactions que d'usure.

Enfin, pour les combats, c'est un peu flou pour moi. Je pense que tu simplifierais tout en comptant : 1 action = 1 effet (potentiel). Et que tout se fait à l'initiative des joueurs et du MJ. Mais ça signifie que l'on doit pouvoir acculer l'adversaire (mécaniquement), sans quoi le conflit peut s'éterniser.
Exemple :
Joueur 1 : je saute sur le mec pour lui piquer son fusil pendant qu'il a le dos tourné. J'utilise la carte "agile". Tu établis une manière pour décider si ça fonctionne ou pas, pourquoi pas une mise de jetons qui représenteraient des ressources concrètes et/ou abstraites ? Ça permettrait de ne pas trop sortir de la logique de transaction et ça apporterait de la nuance). C'est réussi, tu gagnes la carte "fusil" du mec. Tu échoues, le MJ réagit et tu risques de te prendre une bastos ou un coup de crosse.

Ensuite, si le joueur deux décide de faire quelque chose, on vois ce que ça donne. Sinon, le MJ se lance à son tour.

En revanche, je pense que tu peux difficilement demander dans ce type de conflit de mettre en jeu une carte à chaque action. En l'état, la méthode de conflit est trop binaire. Il faut que je puisse agir pour quelque chose où je n'ai pas de carte, sans quoi le potentiel d'action des joueurs devient strictement cadré et circonscrit par des éléments à la fois flous et rigides : flous parce qu'une carte peut être aussi bien une pomme qu'une voiture. Et rigide parce que le potentiel d'action d'un personnage est censé être impossible à quantifier dans une situation donnée. Monostatos dans une ancienne version avait le même problème : pas de possibilité d'utiliser un trait ou une "action type". Ce qui était une contrainte trop extrême et contrariant un fondement du JdR : les choix possibles dans une situation donnée sont inquantifiables dans leurs potentialités et leurs nuances. Donc, je te conseille (si le jeu ne le fais pas déjà) d'envisager un mode d'action plus souple et que les cartes soient l'enjeu, soit une aide ou un bonus, mais pas la nécessité pour pouvoir agir.

En espérant que tout ça t'aide à trouver des pistes. ;)
Frédéric
 
Message(s) : 3111
Inscription : 08 Déc 2007, 13:27
Localisation : L'Arbresle (69)

Re: [Arbre] Balade pour un Missile

Message par Thomas Munier » 29 Sep 2013, 17:01

Salut Frédéric et merci pour tes conseils !

Je vais tâcher de répondre point par point.

Les joueurs disposent de 7 compartiments (coeur, mémoire, crâne, viscères, viande, matériel, microcosme), mais avec au moins une invalidité imposée donc on est plutôt entre 4 et 6 compartiments, avec 18 cartes à répartir dedans à la création. Le MJ a aussi 6 compartiments et 18 cartes.

Je ne sais pas si je veux donner des catégories aux cartes comme tu le suggère. Au plutôt, ce qui compte c'est le compartiment dans lequel se trouve la carte (ainsi une carte "balle" ne signifie pas la même chose en Viscères qu'en Matériel). Mais surtout ce que je veux dire c'est que la solution me paraît moins être dans une analyse de chaque objet par divers critères (catégorie, score, poids, tangibilité) que par l'arbitrage du MJ. En fait, j'utilise tout le rôle de simulateur que le MJ a dans un JDR tradi. Pendant les phases d'Ambiance (surtout lors de mon deuxième playtest, suite de celui-ci), c'est presque du système zero. Bien sûr, je parle d'arbitrage du MJ, mais en terme de crédibilité, celui qui a le dernier mot est moins le MJ que le joueur le plus exigeant. Si on fait un jeu de rôle d'exploration et de micro-management, on doit veiller à ménager la suspension d'incrédulité. Le joueur le plus exigeant fait alors office de balise. Quelque part, je crois que ça peut même mieux fonctionner que la classique solution de tout catégoriser et chiffrer. Je suis sûr que chacun à le souvenir d'un ergotage sans fin sur le nombre de dommages que devrait faire telle ou telle arme.

Je retiens ton incitation à surveiller les abus en terme d'utilisation des cartes. J'ai le sentiment qu'ils peuvent survenir surtout lors de la phase de Mêlée. Dans mon deuxième playtest en groupe, j'ai supprimé les mises de cartes cachées sans rapport avec l'action. on ne peut plus miser que des cartes qui justifient qu'on peut réussir l'action. Quand il s'agit de miser 1 ou 2 cartes, les joueurs restent logiques, mais pour 3 ou 4 cartes, eux comme moi avons tendance à justifier nos mises de façon très indirecte.

Mon réel souci c'est que je veux éviter à la fois l'usine à gaz (des listes, des catégories, des scores, des stats...) et la machine à saucisses (un système tellement abstrait qu'il limiterait les possibilités d'action et décorellerait les enjeux ludiques des enjeux fictionnels).

Pour quantifier la résistance des objets, ça revient à l'arbitrage du MJ. Pareil pour l'autonomie. Si tu veux détruire une voiture avec la carte Masse, en effet je vais te dire que ça va prendre des heures, ou je vais décréter qu'elle est détruite en vertu du fait que le premier coup de masse a flingué le moteur. Pour l'autonomie, pendant la phase d'Ambiance, et bien je peux utiliser ma carte Flingue et ma carte Munitions pour tuer toutes les personnes dans la pièce, si le MJ estime que les conditions sont réunies (les personnes sont désarmées, les issues sont bloquées). Le MJ peut ensuite demander à ce que la carte Munitions soit détruite, provoquer des conséquences fictionnelles (comment se débarasser des corps ? Comment gérer les amis de la victime ?), ou chercher un prétexte fictionnel pour justifier l'action de détruire ce Flingue pour faire souffrir le PJ / joueur.

Cette gestion par l'arbitrage fonctionne pas mal en phase d'Ambiance.

En phase de Mêlée c'est une autre paire de manches. Déjà en voulant graduer les effets en quatre, je rajoute de la complexité et surtout une complexité qui est décorrelée des enjeux fictionnels. Bref, ça ne fonctionne pas. Je devrais peut-être me cantonner à une carte misée = un effet ? C'est vraiment à tester. Mais l'attrition sera encore moins visible si je reste à trois cartes par compartiment. Il faudrait que je descende à deux cartes. A tester également.

Tu l'auras compris, mon problème de game design se situe au niveau de la résistance. Notamment parce que les phases d'Ambiance et de Mêlée ne fonctionnent pas de la même façon sur un point fondamental : la fortune. Petit un en Ambiance, l'effet d'une carte peut être faible ou puissant selon l'arbitrage du MJ. En Mêlée il est quantifié. Petit deux en Ambiance, l'adversaire ne peut pas contrer une action, alors qu'en Mêlée c'est possible. Ainsi, pour reprendre ton exemple de la carte "Agile", en Ambiance il te suffit de montrer cette carte pour désarmer ton adversaire. Avec eventuellement des choix informés avant de faire l'action (du genre : tu dois sacrifier une carte de matériel dans la baston pour réussir, tu dois recevoir une carte "blessure" en viande comme blessure défensive). Soit le joueur accepte la transaction et réussit alors son action de façon certaine, soit le joueur refuse la transaction et raconte alors qu'il ne tente pas l'action ou échoue. Pendant la phase Mêlée, il va tenter de désarmer son adversaire (action de "chasser, c'est à dire prendre une carte) " tandis que l'adversaire va tenter de le blesser (action de "détruire", c'est à dire détruire une des cartes d'un compartiment du PJ). Si le joueur à l'initiative, il désarme, sinon il est d'abord blessé avant de désarmer. Encore que cet exemple me pose problème parce que la phase de Mêlée ne prévoit pas que je créé une carte ex nihilo. A ce moment, j'ai peut-être déjà une carte "Ennemi" mais je n'ai pas de carte "Arme de l'ennemi" à donner au joueur qui désarme.

ça accouche vraiment mes idées de répondre à tes questions.
Je suis en train de me dire que le plus simple c'est de rapprocher au maximum la Mêlée de l'Ambiance. Juste en Ambiance les personnages et le MJ font leurs actions les unes après les autres sans autre système d'initiative que la parole. En Mêlée, ils font les mêmes actions mais dans l'intervalle d'un seul round et l'initiative est gérée par la vitesse de pose sur le plateau, la position de l'action choisie sur le plateau. Alors en Mêlée on n'aurait plus qu'une carte à poser, ce qui limiterait les abus. A moins que j'autorise la pose de cartes supplémentaires qui n'augmentent pas l'effet mais augmentent l'initiative si on est prêt à les sacrifier.

J'en ai le sentiment, la solution résidera dans la simplicité. Je rendrais le système plus logique en enlevant des éléments, pas en en rajoutant. Quelque part, plus je me rapprocherai d'un système zéro avec des cartes pour visualiser le matériel, plus je serai dans le vrai.
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
Message(s) : 2003
Inscription : 30 Nov 2012, 12:04


Retour vers Parler de vos trucs

LES JEUX DES ATELIERS IMAGINAIRES