Retour partie Prosopopée 12.12.2015

Bonjour,
Voici mon premier post sur ce forum pour fournir des éléments de retour sur Prosopopée, que j’ai eu l’occasion de tester avec des amis la semaine dernière.
Profils des joueurs :
· Un joueur averti plutôt orienté jeu de rôle « traditionnel » mais ouvert à d’autres formats (moi)
· Un joueur averti très orienté jeux de narration partagée (pas forcément uniquement jeux de rôle)
· Deux joueuses (nos compagnes) pas du tout expérimentées en jeu de rôle
Prise en main et démarrage de la partie
Sans difficulté. Nous étions deux à avoir appris les règles, nous avons donc lu les paragraphes d’introduction, et les grands principes ont été acquis rapidement.
Nous choisissons deux nuances (les deux joueurs expérimentés) et deux mediums (les deux novices).
La prise de parole est fluide, et à part quelques recalages ici ou là pour rappeler certains principes, peu d’interventions « meta-gaming » de la part des nuances.
L’histoire
Le paradigme choisi est « la coupe de cristal ». Les médiums sont « celle qui fait naître la joie » et « celle dont le corps s’allonge vers l’infini » (un peu trop spectaculaire mais nous avons convenu qu’il s’agissait plus d’une sorte de métaphore que d’un pouvoir littéral). Pour résumer l’histoire, les médiums traversent une forêt et à la sortie découvrent des arbres couverts de cristal, qui réflètent des arcs en ciel sur les pierres environnantes. Il y a là une petite fille qui pleure, rapidement réconfortée par celle qui fait naître la joie. Des nuages s’accumulent toutefois et font disparaître le soleil (premier problème « l’obscurité gagne du terrain ») et la petite fille, devenue muette, emprunte alors un escalier fait par les rayons de l’arc en ciel (deuxième problème « la petite fille a disparu »).
Je passe les détails mais l’histoire connait plusieurs rebondissements, et au final la petite fille est retrouvée ; toutefois comme elle a volé les cristaux d’arc en ciel les éléments se déchainent et menacent un village à proximité. Les tentatives de résolution de problèmes se soldent par des échecs ou succès imparfaits (nous avons mis des difficultés trop hautes), et au bout d’une heure et demie nous sentons que le niveau d’implication de chacun baisse et décidons de clore avec un dernier tour de table de narration, amenant une fin sombre mais teintée d’espoir.
Retours sur la séance
La séance a été appréciée par tous. Il est clair que nous avons réussi à créer du récit, et malgré des difficultés de cohérence globale, le résultat tient plutôt bien la route et tombe assez naturellement dans le canon esthétique favorisé par le jeu. Personne ne s’est senti intimidé et la prise de parole a été très spontanée. Le jeu a été ressenti comme « sérieux », on a tous senti qu’il fallait faire attention aux autres joueurs, c’était assez respectueux mais manquait peut-être un peu de spontanéité (les joueurs ne se connaissant pas très bien entre eux, cela dit).
Pour ma part en tant que nuance j’ai trouvé l’exercice intéressant, même s’il n’est pas si évident de partager la narration. Ainsi je m’imaginais à chaque moment de nouvelles suites à l’histoire et finalement les contributions des uns et des autres la faisaient partir dans une toute autre direction. Du coup c’était un peu déconcertant, avec le sentiment d’avoir plein de pièces de puzzle un peu disparates à recoller ensemble pour avoir quelque chose qui tienne la route.
J’ai aussi senti que l’on était dans un jeu où, du fait du partage de narration, l’effort créatif des joueurs est plus mis sur le déroulement de la fiction (trouver une bonne idée pour la suite de l’histoire, afin de recueillir des offrandes) que sur la défense des intérêts du personnage : ainsi les moments d’incarnation des personnages (au sens « roleplay ») ont été un peu limités, peut-être parce que nous n’avons pas assez fait intervenir de PNJ dans la narration, et aussi du fait du pouvoir donné aux joueurs d’influencer facilement l’évolution de l’histoire.
Je note également que le temps passe différemment : chaque contribution compte, et il faut rester concentré pour ne rien rater, donc on est sur un format plus exigeant qu’un JdR classique où l’on peut se permettre des moments de digressions entre PJ par exemple.
Retours sur le système de jeu
Le point qui a posteriori nous a le plus interrogé est lié au système de résolution (gestion des dés). Sur le papier il est parfait : simple, collaboratif, créateur d’histoires, mais dans la pratique nous avons trouvé qu’il avait quelques inconvénients. Le fait de constamment penser à donner des dés semble faire un peu sortir de la narration (ou bien on est tellement immergé que l’on oublie de donner des dés) ; a contrario lorsqu’il y a des échecs aux tentatives de résolution de problèmes, soudainement toutes les narrations deviennent excellentes et le narrateur fait le plein de dés pour rapidement essayer autre chose. Il y a un petit côté arbitraire à l’approche « on pioche dans une réserve illimitée » qui nous a laissé un peu perplexe, comme si le système était finalement un peu trop souple, sa dimension ludique / mise au défi un peu factice. Ceci dit s’est probablement une question de discipline et d’appropriation, donc à voir comment cela tourne sur d’autres parties.
Conclusion
Un très bon format à essayer avec des personnes qui aiment créer des histoires, mention spéciale pour sa facilité d’appropriation et de mise en route. Système un peu plus subtil à maîtriser qu’il n’y parait, ma recommandation serait de faire commencer les novices sur un format classique (une nuance seulement) et de mieux circonscrire le périmètre narratif des médiums à leur personnage et les conséquences de leurs actions, puis d’élargir progressivement. Le système devra également être un peu « apprivoisé » par les joueurs, et les attentes « ludiques » être bien maîtrisées.
En espérant ce retour utile et constructif, en remerciement d'un jeu qui nous a fait passer un très bon moment !
Thomas
Voici mon premier post sur ce forum pour fournir des éléments de retour sur Prosopopée, que j’ai eu l’occasion de tester avec des amis la semaine dernière.
Profils des joueurs :
· Un joueur averti plutôt orienté jeu de rôle « traditionnel » mais ouvert à d’autres formats (moi)
· Un joueur averti très orienté jeux de narration partagée (pas forcément uniquement jeux de rôle)
· Deux joueuses (nos compagnes) pas du tout expérimentées en jeu de rôle
Prise en main et démarrage de la partie
Sans difficulté. Nous étions deux à avoir appris les règles, nous avons donc lu les paragraphes d’introduction, et les grands principes ont été acquis rapidement.
Nous choisissons deux nuances (les deux joueurs expérimentés) et deux mediums (les deux novices).
La prise de parole est fluide, et à part quelques recalages ici ou là pour rappeler certains principes, peu d’interventions « meta-gaming » de la part des nuances.
L’histoire
Le paradigme choisi est « la coupe de cristal ». Les médiums sont « celle qui fait naître la joie » et « celle dont le corps s’allonge vers l’infini » (un peu trop spectaculaire mais nous avons convenu qu’il s’agissait plus d’une sorte de métaphore que d’un pouvoir littéral). Pour résumer l’histoire, les médiums traversent une forêt et à la sortie découvrent des arbres couverts de cristal, qui réflètent des arcs en ciel sur les pierres environnantes. Il y a là une petite fille qui pleure, rapidement réconfortée par celle qui fait naître la joie. Des nuages s’accumulent toutefois et font disparaître le soleil (premier problème « l’obscurité gagne du terrain ») et la petite fille, devenue muette, emprunte alors un escalier fait par les rayons de l’arc en ciel (deuxième problème « la petite fille a disparu »).
Je passe les détails mais l’histoire connait plusieurs rebondissements, et au final la petite fille est retrouvée ; toutefois comme elle a volé les cristaux d’arc en ciel les éléments se déchainent et menacent un village à proximité. Les tentatives de résolution de problèmes se soldent par des échecs ou succès imparfaits (nous avons mis des difficultés trop hautes), et au bout d’une heure et demie nous sentons que le niveau d’implication de chacun baisse et décidons de clore avec un dernier tour de table de narration, amenant une fin sombre mais teintée d’espoir.
Retours sur la séance
La séance a été appréciée par tous. Il est clair que nous avons réussi à créer du récit, et malgré des difficultés de cohérence globale, le résultat tient plutôt bien la route et tombe assez naturellement dans le canon esthétique favorisé par le jeu. Personne ne s’est senti intimidé et la prise de parole a été très spontanée. Le jeu a été ressenti comme « sérieux », on a tous senti qu’il fallait faire attention aux autres joueurs, c’était assez respectueux mais manquait peut-être un peu de spontanéité (les joueurs ne se connaissant pas très bien entre eux, cela dit).
Pour ma part en tant que nuance j’ai trouvé l’exercice intéressant, même s’il n’est pas si évident de partager la narration. Ainsi je m’imaginais à chaque moment de nouvelles suites à l’histoire et finalement les contributions des uns et des autres la faisaient partir dans une toute autre direction. Du coup c’était un peu déconcertant, avec le sentiment d’avoir plein de pièces de puzzle un peu disparates à recoller ensemble pour avoir quelque chose qui tienne la route.
J’ai aussi senti que l’on était dans un jeu où, du fait du partage de narration, l’effort créatif des joueurs est plus mis sur le déroulement de la fiction (trouver une bonne idée pour la suite de l’histoire, afin de recueillir des offrandes) que sur la défense des intérêts du personnage : ainsi les moments d’incarnation des personnages (au sens « roleplay ») ont été un peu limités, peut-être parce que nous n’avons pas assez fait intervenir de PNJ dans la narration, et aussi du fait du pouvoir donné aux joueurs d’influencer facilement l’évolution de l’histoire.
Je note également que le temps passe différemment : chaque contribution compte, et il faut rester concentré pour ne rien rater, donc on est sur un format plus exigeant qu’un JdR classique où l’on peut se permettre des moments de digressions entre PJ par exemple.
Retours sur le système de jeu
Le point qui a posteriori nous a le plus interrogé est lié au système de résolution (gestion des dés). Sur le papier il est parfait : simple, collaboratif, créateur d’histoires, mais dans la pratique nous avons trouvé qu’il avait quelques inconvénients. Le fait de constamment penser à donner des dés semble faire un peu sortir de la narration (ou bien on est tellement immergé que l’on oublie de donner des dés) ; a contrario lorsqu’il y a des échecs aux tentatives de résolution de problèmes, soudainement toutes les narrations deviennent excellentes et le narrateur fait le plein de dés pour rapidement essayer autre chose. Il y a un petit côté arbitraire à l’approche « on pioche dans une réserve illimitée » qui nous a laissé un peu perplexe, comme si le système était finalement un peu trop souple, sa dimension ludique / mise au défi un peu factice. Ceci dit s’est probablement une question de discipline et d’appropriation, donc à voir comment cela tourne sur d’autres parties.
Conclusion
Un très bon format à essayer avec des personnes qui aiment créer des histoires, mention spéciale pour sa facilité d’appropriation et de mise en route. Système un peu plus subtil à maîtriser qu’il n’y parait, ma recommandation serait de faire commencer les novices sur un format classique (une nuance seulement) et de mieux circonscrire le périmètre narratif des médiums à leur personnage et les conséquences de leurs actions, puis d’élargir progressivement. Le système devra également être un peu « apprivoisé » par les joueurs, et les attentes « ludiques » être bien maîtrisées.
En espérant ce retour utile et constructif, en remerciement d'un jeu qui nous a fait passer un très bon moment !
Thomas